míriam ruisseau
un couteau dans mon assiette
“I can take any empty space and call it a bare stage. A man walks across this empty space whilst someone else is watching him, and this is all is for an act of theatre to be engaged.” Peter Brook
Un soir d'automne, je reçois un appel qui me foudroie. Confusément, je l’attendais.
Le redoutais, surtout, depuis des années. Je décide alors de retourner dans l'endroit quitté vingt cinq ans ans plus tôt, et dont le souvenir souvent a écorché mes rêves.
Pour conjurer l’angoisse de me retrouver là, dès que je le pouvais je prenais l’appareil
et photographiais tout et n’importe quoi, sans intention réelle au début, sans volonté
de construire un « sujet », ou de garder une trace.
Je comprends aujourd’hui que c’était pour me protéger, créer une distance. Un non-lieu.
Petit à petit pourtant, cette accumulation (et je choisis ce mot à dessein) d’images,
a pris sens, la maison retrouvée est devenue une sorte d’espace théâtral, lequel, au fur
et à mesure qu’il se vidait, devenait paradoxalement plus habité.
Comme s’il reprenait vie.
Il me reste encore un voyage à y faire et la partie « prises de vues » sera terminée.
En confrontant toutes les séquences, je vois ce qui manque, ce que je cherche, et
ce qui sans doute restera à l’état de latence.
Me plaît l’idée qu’il reste des mystères, que chacun pourra —ou pas— comprendre
en s’appropriant cette histoire et la faisant sienne.
Le travail fini sera une narration sans souci de linéarité, aux antipodes du pathos et
de la nostalgie, dans une association d’images d’où le burlesque et la mélancolie
ne seront pas exclus, mais où les ombres brûlantes inviteront le songe.